Vohimana : paradis naturel en sursis

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2018
Salut tout le monde, Salama !
« MERCI VOHIMANA » !! Je commence par ces mots car j’ai passé 10 jours formidables dans cette réserve expérimentale gérée par des associations locales, mais également parce que c’est le nom de l’association qui gère l’écotourisme sur la réserve. L’association qui gère les visites sur le site ainsi que l’hébergement est vitale pour le maintien des écosystèmes naturelles et de la forêt tropicale pluvieuse de l’Est.
En effet, entre Tana la capitale et le petit village d’Ambavaniasy (130km), tout au long du ruban d’asphalte de la « nationale 2 », il n’y a plus de forêt naturelle. Elle a totalement disparu, remplacée par des forêts d’Eucalyptus à la valeur écologique proche du néant. Triste réalité, les résidus de forêts primaires ne subsistent que dans les réserves ou parcs, qu’ils soient nationaux ou non. Il faut bien comprendre qu’ici la pauvreté est extrême et les habitants de la brousse, défrichent malheureusement la forêt pour se nourrir. La culture sur brûlis règne en maître absolu dans cette partie de Mada. Les parcelles de forêts originelles sont coupés, les bois d’œuvre et de construction vendus et le reste « valorisé » en charbon. Puis, ce qu’il en reste est incendié afin de faire place nette et enrichir le sol pour les cultures à venir.

Dans cette région dite « tropicale pluvieuse », il pleut entre 2800 et 6000 mm par an… principalement pendant la saison humide qui s’étend de décembre à août (il pleut plusieurs fois par jour !). Le riz pousse donc à même les versants, il n’y a pas besoin de rizières immergées ici.

Le riz. La céréale très nutritive est la base de l’alimentation à Madagascar, les malgaches en mangent matin, midi et soir ! Ceci fragilise l’équilibre alimentaire et écologique du pays. Il faut savoir que les parcelles gagnées sur les forêts ne sont productives que pour 2 à 3 récoltes maximum, après le sol est trop appauvrit pour permettre la croissance du riz ou du manioc. Elles sont donc délaissées et de nouvelles zones sont brûlées pour planter plus loin. Chaque jour la forêt est grignotée par les flammes, particulièrement au mois de septembre qui correspond au début de la saison sèche. La suppression du couvert végétal sur les collines de granit aux pentes abruptes entraînent une érosion massive et le lessivage des sols est phénoménal. Rares sont les cours d’eau présentant des eaux limpides. Pour en voir il faut pénétrer au cœur des massifs forestiers préservés.
Le cyclone « Enawo » qui a frappé Mada les 7 et 8 mars derniers, a laissé derrière lui d’immenses plaies sur les collines, des portions de plusieurs dizaines d’hectares (ou plus) d’un seul tenant ont fini dans les ravins et rivières. Parfois les cases sont parties avec… la Terre saigne et les Hommes pleurent… Et ceci est inévitablement un cercle vicieux. L’équilibre écologique de la région repose, entre autre, sur la régularité des précipitations. Or, cette année en période « El Niño » (les fidèles du direct radio hebdomadaire du jeudi 20H sur les ondes de Radio Saint-Aff’ reconnaîtront le sujet), le cyclone a été précédé d’une période sans pluie de décembre à mars. C’est la période à laquelle les précipitations sont naturellement les plus abondantes !! Les conséquences sont sans appel, les champs de riz ont subit de lourds dégâts, la plante séchant sur pied. Puis, les pluies diluviennes ont emporté avec elles des versants entiers… La forêt tropicale transpire énormément. Dès les premières chaleurs de la journée, les masses d’air humide venant de la côte océanique à l’Est (le vent vient toujours de l’Est) condensent au-dessus des montagnes et collines puis c’est la pluie. Mais s’il y a moins de forêt, il y a aussi moins de pluies… C’est un peu un raccourci, mais on peut résumer cela comme : moins de forêts = moins de pluies = moins de riz ! C’est tout à fait paradoxal et triste !!
A cela il faut encore rajouter les dommages engendrer par la « néo-colonisation » et son pillage organisé des ressources du sous-sol par l’occident. Dans la région, il existe une « verrue géante » à 40 km au nord de Vohimana. Plus précisément entre le parc national très connu des touristes « Andasibe-Mantadia » et la réserve expérimentale. Il s’agit du site d’extraction minier Ambatovy, sa surface serait de 2000 ha me dit-on… La firme du même nom, dont l’actionnaire majoritaire est canadien, exploite un immense gisement de nickel et de cobalt. Pour rallier le port d’exportation de Tamatave sur la côte Est, où est implantée sa raffinerie extra polluante, Ambatovy avec l’accord de l’état malgache, a enfouit un pipeline sur près de 220 km, détruisant tout sur son passage. Des villages ont été déplacés, des sites sacrés profanés et que dire des massifs forestiers que le projet traverse… ils ont été littéralement saccagés. Une piste serpente à travers les forêt, les collines et montagnes ont été éventrées pour enterrer le pipeline. La réserve de Vohimana était malheureusement sur le tracé du projet… La situation est très alarmante et il y a vraiment urgence pour ce qui reste de la forêt tropicale humide de la côte Est, du moins de ce que j’ai pu voir pour le moment… A Vohimana, sur les 1800 ha de la réserve, la forêt ne représente aujourd’hui plus que 800 ha.
L’écotourisme, en plus d’autres « activités durables » comme la distillation de plantes médicinales (très nombreuses ici), apparait donc comme une alternative nécessaire pour « créer de la richesse » au niveau local et ainsi inciter les populations locales à préserver la forêt et sa formidable biodiversité qui est unique au monde !
Mais qu’en est-il de cette flore et surtout de cette faune, vu que c’est le « taxon » qui me concerne ?
Et bien, malgré le fait que nous sommes hors période de reproduction chez les oiseaux (de nombreuses espèces restent silencieuses et très discrètes), avec Gagah, guide naturaliste extra-compétent à Vohimana, nous avons pu voir et/ou entendre 62 espèces à plumes sur la réserve. Certaines sont très rares et strictement endémiques des forêts de l’Est malgache ! La réserve en compterait plus de 200 d’après Gagah, soit plus des deux tiers des oiseaux visibles à Mada !!!
La réserve héberge également 11 espèces de lémuriens dont des espèces rarissimes (5 diurnes et 6 nocturnes). Nous en avons vu 6 (4 diurnes et 2 nocturnes) dont l’emblématique Propithèque à diadème et le fameux Indri connu pour son magnifique chant territorial (il résonne dans la forêt tous les matins) !!
Niveau herpétologie ça envoie aussi du très lourd !! 7 espèces de caméléons sont présentes, dont la plus grosse espèce au monde et une espèce minuscule strictement endémique de Vohimana. Nous en avons vu quatre dont les deux citées précédemment !! Le site totalise plus de 70 espèces de grenouilles et crapauds, c’est deux fois plus que dans toute l’Europe réunie. Il s’agit là de la plus forte concentration au monde d’espèces de grenouilles endémiques, tout simplement !!… En 2 heures de prospection nous avons observé plus de 20 espèces de grenouilles !
Le Fossa, plus grand prédateur terrestre de Mada, dont la répartition ne cesse de régresser, est également présent ! Dans la forêt, nous avons trouvé avec Gagah les restes de son repas : un Coua bleu (l’oiseau est vraiment gros !)…
Les insectes ne sont pas en reste, bien au contraire ! Il y a une multitude d’espèces de phasmes (dont des géants !!), de mantes, de papillons diurnes et nocturnes, de libellules, de fourmis…
Je ne m’étendrais pas sur la botanique, que je connais peu, mais les orchidées épiphytes sont très nombreuses (mais pas en fleur en ce moment 🙁) ainsi que plusieurs palmiers très rares. La forêt originelle est superbe !
En bref, Vohimana est un paradis pour la faune et la flore, mais il est en sursis… D’après Gagah et Erito (coordinateur de projets à Vohimana), au rythme où la forêt est détruite, et ce malgré les campagnes de reboisement (dont une est en cours) et les peines d’emprisonnement attribuées aux « voleurs ou aux brûleurs de bois », il y en a encore pour 10 à 15 ans tout au plus…
La situation est plus que préoccupante. C’est décidé, quand je rentre en France je mets en place une collecte (septembre) pour aider à la conservation de ce joyau naturel qu’est Vohimana ! Si chaque personne qui suit cette page (vous êtes un peu plus de 250 et je vous en remercie sincèrement), mettait 1 euro par semaine de côté jusqu’à mon retour, soit 20 euros par personne, cela représenterait la somme de 5000 euros !!! Avec une telle somme la réserve expérimentale de Vohimana recevrait un très gros coup de pouce et cela permettrait de faire vraiment beaucoup de choses utiles à la préservation de cet endroit unique au monde !! Alors si vous êtes partant(e) n’hésitez plus, commencez dès maintenant à mettre 1 euro/semaine de côté… Ce sont les petits ruisseaux qui font les grandes rivières !!
Désolé pour ce pavé-plaidoyer-témoignage (c’est vous qui voyez !) un peu long, mais il y aurait encore tant à dire…

     Et voilà 😉

« Maintenant je descends dans la partie sud de Madagascar. Je rejoins la côte sud-ouest dans la région d’Ifaty au nord de Tuléar pour participer au suivi environnemental de la mangrove !! »

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